Les coupes ne sont pas pratiquées quand dans les forêts gérées par l’Office National des Forêts (ONF) mais également dans ses effectifs. Dans cet institution, cet établissement public chargé de la gestion des forêts françaises (1/4 des forêts de notre pays), l’état poursuit un travail de coupe budgétaire. Bercy taille à la hache dans les effectifs mais pas seulement …
En première ligne …
Avec le réchauffement climatique, la perte de la biodiversité, la forêt française est en première ligne. Les forêts françaises absorbent aujourd’hui en CO2 ce que le transport produit en CO2 en France. Le tableau de nos forêts est bien triste. Ce sont des milliards d’arbres qui meurent en raison de la hausse de la température et des sécheresses qui se répètent très régulièrement.
Trois espèces sont particulièrement concernées par ces changements profonds. Les épicéas sont décimés par le scolyte, un parasite qui prolifère avec la chaleur. En Franche-Comté, les arbres sèchent sur place. La vallée du Doubs est particulièrement frappée mais également le premier plateau. Nos paysages se transforment … Les châtaigniers eux dépérissent car ils ne supporte pas le climat océanique qui gagne du terrain en France. Les frênes eux sont les victimes de la chalarose qui progresse de manière inquiétante dans notre pays.
Autant dire que les enjeux de préservation et d’adaptation de la forêt française sont particulièrement nombreux en cette période bien compliquée d’un point de vue environnemental. Et pour affronter ces nombreux challenges, notre forêt a bien besoin d’avoir des forestiers en nombre et des moyens sur le terrain. C’est malheureusement bien le contraire qui semble se poursuivre …
Démantèlement ?
C’est exactement ce qui est entrain de se produire à l’ONF. Depuis bien des années, les gouvernements successifs sous couvert de ré-organisation démantèlent cette institution. Les contrats privés deviennent la norme, les fonctionnaires se font bien rares. Une nouvelle charge du gouvernement envisage la suppression de plus de 600 postes. Sous couvert de la création de filiales rassemblant les activités concurrentielles de l’ONF, les changements proposés “à marche forcée” et sans concertation sont nombreux. C’est la fin progressive des missions d’intérêt général.
Par exemple, les travaux de sous-traitance forestière réalisés par l’ONF seraient transférés chez des sous-traitants privés. L’on imagine bien vite que la protection environnementale des milieux ne sera plus la priorité. C’est la porte ouverte à des plantations industrielles géantes. La forêt française devient petit à petit une nouvelle marchandise qui sera proposée aux seuls bénéfices d’intérêts privés. Bercy évoque pour ces activités des contrats d’objectifs et de performance, c’est dire …
Mais pour tout de même faire passer cet incroyable cadeau à la sphère privée, la communication politique est bien rodée. Les ministères pourtant en première ligne sur ce dossier se renvoient la balle (agriculture, économie, environnement) pour finalement envoyer les journalistes du côté du ministère de la transformation de la fonction publique … Tout n’est qu’une question de temps dans ce genre d’opération. La période des soldes approche … L’enfumage est une manœuvre bien courante en politique ! Sous couvert de plantations à gogo et de “green washing” de grands groupe se rapprochant de l’ONF, les intentions du gouvernement sont bien mortifères pour l’institution.
Déficits ?
Le 16 décembre dernier, le conseil d’administration de l’ONF se réunissait pour voter son budget (entre autre). Comme de nombreuses structures dans notre pays, c’est un budget de crise. Mais la direction a présenté un budget particulièrement déficitaire. L’occasion est particulièrement bien choisie pour “forcer le trait” et encourager ainsi la découpe de ce qui reste encore de l’institution. Le déficit proposé aggrave les dettes de la structure. Les messages envoyés ne peuvent qu’encourager la stratégie proposée par le gouvernement. Même la cour de comptes et l’Administration des Finances Publiques qui siègent au conseil d’administration se sont abstenus. C’est dire si ces chiffres sont volontairement alignés pour servir une stratégie bien huilée. L’insincérité budgétaire est condamnable !
Alternatives ?
A l’heure des plans de soutien, des plans de relances successifs en France, en Europe l’ONF est l’oublié de ces dispositifs. L’on préfère déverser des millions d’Euros dans les industries polluantes alors que notre capital forestier pourrait nous aider à négocier la crise environnementale dont les premiers prémices nous frappent.
Se mobiliser …
Les alertes sont nombreuses afin de faire connaitre la situation de l’ONF. Les syndicats membres du SNUPFEN (Syndicat national unifié des personnels des forêts et de l’espace naturel), les militants associatifs de Canopée – Forêts Vivantes se démènent pour faire connaitre la situation et surtout les enjeux de telles décisions. C’est le sens de l’action d’occupation de la récente occupation de l’ONF à Nancy le 17 décembre dernier. Une telle action suivie en directe par plus de 2500 personnes est de nature à faire prendre conscience à l’opinion de la situation.
J’échange régulièrement avec un ami salarié de l’ONF dans les Vosges sur la situation bien pré-occupante de cette institution. C’est lui qui m’a relayé la vidéo ci-dessus relatant cette soirée de témoignages.
J’ai été particulièrement sensible aux différentes interventions. L’on y découvre un personnel particulièrement motivé et passionné par les forêts, la nature. Les intervenants sont bien conscient du rôle fondamentale que le travail de l’ONF pourrait apporter à la prise en compte des effets du réchauffement climatique.
Les citoyens doivent également être en parfaite conscience de la chance d’avoir à deux pas de chez soi une forêt accessible. Nous étions nombreux dans les bois pendant ces périodes de confinements. Qu’adviendra t’il si la forêt tombe dans les mains d’intérêt privés ?
Plusieurs politiques se sont mobilisés pour contrer ce énième projet destructeur pour l’institution. C’est le cas en particulier à l’Assemblée Nationale. Quelques partis politiques se mobilisent également bien timidement au regard de l’enjeu.
Et plus localement ?
Mais pour amplifier la démarche et stopper ce projet destructeur et de démantèlement, ce sont les élu(e)s locaux qui doivent impérativement se faire entendre et se mobiliser. Ces maires ruraux (et pas que) qui discutent très régulièrement avec les interlocuteurs de l’ONF doivent prendre position . Ces élu(e)s de terrain peuvent apprécier quotidiennement la richesse d’avoir des interlocuteurs proches à l’ONF qui comprennent et agissent sur leurs territoires dans le sens de l’intérêt général.
J’ai dans mes souvenirs la présence à Grand Charmont ma commune d’un maison forestière qui n’existe plus maintenant alors que le patrimoine forestier est lui toujours là. Les communes forestières doivent se mobiliser avec force. A Grand Charmont comme ailleurs, les élu(e)s doivent se mobiliser à travers des motions.
Il faut faire pression dans le pays pour que la Fédération Nationale des Communes Forestières (FNCOFOR) prennent également une position forte et sorte de sa position complaisante en s’abstenant lors du vote du budget de l’ONF. Là encore, les élu(e)s des communes forestières doivent interpeller les représentants locaux de leurs inquiétudes. En Bourgogne Franche-Comté Monsieur FAVRET et Madame LOISIER doivent être approchés afin de relayer les inquiétudes locales.
Il n’est pas trop tard mais le risque évident d’une totale disparition des interlocuteurs de l’ONF est une triste réalité qui peut très vite se matérialiser. Les élu(e) locaux resteront donc bien seuls avec leurs problématiques forestières … vers qui se tourneront ils ?
4 commentaires
Au cours de mes nombreuses randonnées en forêt dans la région. Une immense désolation. Avec le réchauffement climatique de voir tous ces arbres morts. Et le non respect de la nature. Avec l’envahissement d’innombrables déchets. C’est vraiment désolant !!!
Bonjour Michelle. Oui tu as raison. La forêt souffre ! L’ONF est un rempart bienveillant pour la préservation de nos forêts, ces espaces de respiration, de biodiversité qui sont à nos portes. Excellent dimanche !
J’ai eu l’occasion d’aller en forêt avec cet ami dont tu parles, ainsi que l’un de ses collègues qui a accompagné ma classe en forêt. A chaque fois, ces deux agents de l’ONF ont échangé avec passion leurs connaissances du terrain, du métier mais aussi leurs inquiétudes. Nos forêts ont besoin de leur expertise acquise sur le temps long et sur les parcelles qu’ils parcourent quotidiennement pour s’adapter au mieux aux enjeux climatiques.
Bonjour Sophie. Merci du commentaire. Tu as bien raison. Ces hommes et ces femmes sont passionnés par ce métier au contact de la nature ! Il faut que cela dure ! Mobilisons nous ! N’hésites surtout pas à relayer ces infos localement sur le bassin de Giromagny auprès des décideurs locaux (élu(e)s, associations, citoyens …). A bientôt et bon dimanche !