J’ai enfin trouvé un peu de temps pour le lire et de vous proposer ce petit article de blog. Le livre « On ne dissout pas un soulèvement » édité chez « Seuil » peu après le 21 juin 2023, date à laquelle le gouvernement français, par la voix de son « illustre » ministre de l’intérieur Gérald DARMANIN engage la dissolution des « Soulèvements de la Terre ». Cette ouvrage se compose d’une quarantaine de textes écrits par des personnalités, de militant·es, des collectifs, … proches de ce mouvement emblématique d’une nouvelle écologie politique.
Qui sont les Soulèvements de la Terre …
Les Soulèvements de la Terre, dont le symbole officiel est le signe ⏚ est un collectif français écologiste radical et contestataire. Son émergence remonte au mois de Janvier 2021 après la lutte victorieuse de la ZAD de Notre Dame des Landes qui à vu l’arrêt définitif de ce projet d’aéroport dans la banlieue de Nantes. Les activistes et militants.es engagé.es dans cette lutte s’organisent afin de poursuivre leurs actions. Le mouvement des Soulèvements de la Terre s’oppose entre autre à l’accaparement des terres, lutte contre certaines projets d’aménagement, en particulier les « méga bassines », les projets autoroutiers écocides comme celui de l’A69 ou le projet de ligne de train à grande vitesse Lyon-Turin.
Les Soulèvements de la Terre croient volontiers en leurs capacités à agir pour une vie désirable dans un monde habitable où tous.tes puissent avoir accès à la terre, au logement et à l’alimentation.
Le mouvement des Soulèvements de la Terre engage régulièrement des compagnes d’actions thématiques sous forme de saison. Citons par exemple, la saison 6 sur l’accaparement de l’eau et les actions emblématiques à Sainte-Soline ou en ce printemps 2024, l’annonce récente de la saison 7 pour la défense des terres et de l’eau.
Ce mouvement s’impose dans le paysage en particulier dans un contexte de diversification du mouvement climat tant en France qu’à l’international comme ce que peux proposer différents groupes comme Scientifiques en Rébellion, Dernière Rénovation ou Terres de Luttes, mais les Soulèvements de la Terre s’ajoutent également à des mouvements prônant la désobéissance civile comme Youth for Climate, Fridays for Future ou Extinction Rebellion. L’ensemble de ces organisation se retrouvent dans une critique globale et une lutte contre des projets d’aménagements écocidaires qualifiés de projets inutiles et imposés.

En juin 2023, le mouvement des Soulèvements de la Terre déclare regrouper une centaine d’associations et collectifs et plus de 110 000 personnes revendiquent leur appartenance au groupe.
Plusieurs associations, syndicats et collectifs écologistes, notamment la Confédération Paysanne (La Conf), ATTAC, Alternatiba ou l’Union Syndicale Solidaire s’y agrègent. Le renseignement intérieur analyse le mouvement des Soulèvements de la Terre (SDT) comme étant « ainsi parvenus à séduire largement et à rassembler, sur des mêmes actions, des individus aux profils et aux méthodes très éloignées, en procédant à l’articulation de pratiques militantes, pour qu’elles soient complémentaires ».
Les policiers reconnaissent aux activistes, leur « ingéniosité », leur « intelligence » et « la communication parfaitement maîtrisée » du collectif qui ont su devenir « un acteur majeur de la contestation écologique radicale » et s’attacher la sympathie d’intellectuels, d’associations et syndicats pour créer un véritable mouvement qui rayonne en France, mais également progressivement à l’international.
Le mouvement peut également s’appuyer sur un réseau nouvellement structuré de comités locaux directement mobilisés et impliqués dans des luttes locales aux quatre coins de l’hexagone ce qui, depuis quelques mois densifie ses actions sur l’ensemble du territoire national.
Autant dire que les décideurs politiques « mainstream » aux services des intérêts du capitalisme débridé ne voient pas forcément d’un très bon œil l’émergence et l’arrivée d’une force d’opposition composite, active et bien organisée apparaitre dans le paysage pour mener les batailles.
En Novembre 2022 Gérald DARMANIN, Ministre de l’Intérieur qualifie le mouvement d’ « écoterroriste » à la suite d’une manifestation fin Octobre 2022 à Sainte-Soline. Une formule « choc » qui fait encore réagir tant la déflagration est forte.
Cette expression n’a pas d’existence juridique. Elle vise très simplement à réprimander et criminaliser certaines formes de mobilisation environnementale par leur criminalisation en tentant de saturer l’espace médiatique et d’imposer à la masse une étiquette à un mouvement qui ne se mobilise pourtant que pour la défense du bien commun et d’une vie soutenable sur terre.
Une fois de plus, Monsieur DARMANIN use de l’outrance sémantique pour légitimer son rôle de gardien d’un système qui nous emmène dans le mur.
La bascule du 25 mars 2023 …
Une manifestation de grande ampleur est organisée le 25 mars 2023. Ce rassemblement réunit plusieurs dizaines de milliers de participants dont les Soulèvements de la Terre accompagnés de la Confédération Paysanne et du collectif Bassines non merci. Ensemble ils mènent la lutte contre ces projets déments de « méga bassines » et contre l’accaparement du bien commun qu’est l’eau.
L’objectif de ces « méga bassines » est de pomper l’eau des nappes, de la stocker à l’air libre pour assurer par la suite des opérations d’irrigations. La construction de ce type d’infrastructure permet à quelque uns.unes de s’accaparer la ressource en eau dans le seul but de défendre l’irrigation d’une agriculture productiviste basée une production de masse souvent exportée gavée d’intrants chimiques.

Non, les Soulèvements de la Terre ne sont pas contre les agriculteurs par leurs prises de position. Ils condamnent et combattent un modèle agricole productiviste. Avec ces infrastructures écocidaires, nous sommes loin de l’agriculture paysanne respectueuse des hommes et de l’environnement, modèle que défend les Soulèvements de la Terre et ses partenaires.
« Il s’agit au fond de défendre le métier de paysan pour éviter qu’il ne disparaisse au profit de robots travaillant dans des plaines saccagées. Il s’agit de promouvoir un modèle de polyculture-élevage qui protège la biodiversité et d’inventer de nouvelles manières de cultiver par temps incertain. Il s’agit de travailler sans s’empoisonner. Il s’agit que chacun·e ait les moyens de s’offrir une nourriture de qualité tout en assurant la rémunération des paysan·nes qui la produisent. Cela implique de court-circuiter le complexe agro-industriel, de mettre fin à ses marges prédatrices et à sa frénésie extractiviste »
Les Soulèvements de la Terre – Annonce de la saison 7.
Revenons à la manifestation du 25 mars 2023. Ce rassemblement se trouve violemment réprimé par la gendarmerie à fait de nombreux blessés. L’usage par les forces de l’ordre d’un véritable arsenal de guerre dont l’usage est tout à fait disproportionné est unanimement condamné relève d’un pur choix politique : celui de mater et d’écraser le mouvement dans une violence exceptionnelle autant sur les manifestant.es que sur les élu.e.s qui étaient dans le cortège.
Plusieurs organisations comme la Ligue des droits de l’homme qui était présente ce jour là sur le terrain condamnent sévèrement l’usage de la force et pointe l’état comme seule coupable du fait que la situation a dégénéré.
Les moyens mise en œuvre ce jour là par les garants de l’ordre était digne d’un scénario de guerre : ce ne sont pas moins de 6000 munitions qui ont été tirés dans les champs sur les manifestant.e.s . Il fallait impérativement pour la force publique empêcher l’accès à la « méga bassine » peut importe le coup humain. Les forces de l’ordre empêchant même l’accès des services de secours à l’assistance des blessé.es.
Les médias mainstream avaient là des images parfaites de scènes de guerre et de violence pour discréditer le mouvement auprès d’une partie de la population en parfaite méconnaissance des faits et du fond du problème et surtout de ce qui c’était vraiment passé ce jour là autour de la « méga -bassine » de Sainte-Soline.
A tout juste une année de cet événement, il parait important de pouvoir relater exactement de ce qui s’est passé ce week end là à Sainte-Soline, de la chronologie des faits pour que chacuns.unes puissent se faire un avis objectif.
Saluons l’excellent travail réalisé par Reporterre et Off Investigation par la diffusion récente d’un excellent documentaire rétablissant le vérité. Effectivement, il devient particulièrement périlleux pour les médias classiques de relater une vérité qui contribuerai à mettre en cause la voix du gouvernement et de son Ministre de l’Intérieur. Ces deux organes de presse nous apportent donc un précieux éclairage permettant de faire (enfin) éclater la vérité et j’espère que ce précieux travail journalistique d’investigation permettra de faire la lumière exacte sur ce qui s’est passée ce jour là à Saint-Soline et reconstituer ainsi la chaine de commandement et de responsabilité qui a conduit à un usage disproportionné de la force sur des manifestants.es dans une volonté d’écraser, d’abimer, …
Ce reportage documentaire tente d’écrire un autre récit que celui que l’on à bien voulu nous distiller ou nous servir à l’époque.
Dissolution …
De manière à capitaliser auprès de l’opinion sur la violence qu’il a lui même crée le 25 mars 2023, le gouvernement exprime par la suite, le 28 mars, son souhait de dissoudre le collectif Les Soulèvements de la Terre, qu’il estime « responsable de plusieurs envahissements d’entreprises, de plusieurs exactions fortes contre les forces de l’ordre, de plusieurs destructions de biens, de centaines de gendarmes ou de policiers blessés, de plusieurs appels à l’insurrection ». Aucune procédure de ce type n’a été précédemment engagée contre un mouvement écologiste.
Cette décision est vivement critiquée par une partie de la gauche et des écologistes. Le 30 mars 2023, une tribune signée par 300 personnalités est publiée. Plusieurs centaines de personnes signent et soutiennent rapidement cette tribune et cette action mobilisatrice. Il s’agit ici d’une réelle volonté du pouvoir en place d’atteindre gravement aux libertés publiques dans notre pays.
Le 9 juin 2023, en réaction à tout ceci, le collectif publie le livre « On ne dissout pas un soulèvement » aux éditions du Seuil en réaction à cette volonté de dissolution. C’est l’objet principal de cet article de blog.

Mais le pouvoir en place hésite longuement à suivre la proposition de son Ministre de l’Intérieur. En effet, les Soulèvements de la Terre n’ont aucune existence juridique ce qui rend périlleux une telle dissolution. Il n’y a aucun chef ni aucun statut qui caractérise le groupement. Personne à qui s’attaquer au final. Poussé par le syndicat agricole majoritaire (FNSEA) qui a fait de la dissolution des Soulèvements de la Terre une action prioritaire, le gouvernement fini par obtempérer à sa revendication du moment (il y en aura bien d’autres par la suite …).
Après sa discussion en conseil des ministres, Emmanuel MACRON signe le 21 juin 2023 le décret portant dissolution du groupement de fait « Les Soulèvements de la Terre », en s’appuyant sur l’article L.212.1 du code de sécurité intérieure visant en particulier les associations ou groupements de fait « qui provoquent à des manifestations armées ou à des agissements violents à l’encontre des personnes ou des biens ».
L’État a souhaité écraser ce mouvement par une répression mêlant l’arsenal anti-terroriste et la dissolution administrative.
Le livre …
Cet ouvrage présente une quarantaine de textes de personnalités, de militant·es qui affirment que ce n’est pas en interdisant un mouvement qu’on empêchera celui-ci d’exister. Les témoignages alternent avec les réflexions plus générales, historiques, sociologiques … Ces textes sont de véritable soutien à ce mouvement.
Cet ouvrage est assimilable à une sorte de « barricade de papier façonnée par des voix complices ».
Non-dissolution … ou dissolution avortée …
La manœuvre semble périlleuse pour un gouvernement qui apparait donc aux yeux du plus grand nombre comme tendant vers une dangereuse dérive autoritaire du gouvernement. Elle traduit pour le coup le fait que le pouvoir en place est aussi simplement au service des puissants et de leurs intérêts. Il convient donc de tenter de tuer le plus rapidement possible un mouvement qui est en passe de rallier à lui le plus grand nombre dans ses combats pour la vie.
En réaction, des manifestations s’organisent partout en France. Des comités locaux émergent et s’organisent un peu partout sur le territoire national. De nombreuses personnalités publiques s’engagent et dénoncent ce qui apparait volontiers comme une remise en cause des libertés individuelles, de la liberté d’association, de manifestation ou d’expression. De nombreux recours auprès du Conseil d’Etat alertent et exigent l’abandon de cette dissolution.
Profitant d’un arsenal juridique voté trop rapidement après les attentats sanglants qui ont émaillés notre Pays, le gouvernement et le Président de la République persistent et signent à vouloir museler un mouvement populaire œuvrant justement dans une logique de préservation du vivant pour le bien commun.
Le 11 Aout 2023, le Conseil d’Etat déclare invalide le décret de dissolution. Le Conseil d’État rappelle en effet que les SLT n’ont jamais incité à commettre des violences contre des personnes et que cette mesure de dissolution est parfaitement disproportionnée. La décision rendue est particulièrement importante car en invalidant cette dissolution, le Conseil d’Etat préserve une grande part des libertés individuelles qui sont les fondements de notre démocratie. A chaque époque, à chaque moment une vigilance extrême s’impose concernant nos libertés.
« Le Conseil d’État rappelle qu’une mesure de dissolution porte une atteinte grave à la liberté d’association, principe fondamental reconnu par les lois de la République »
Conseil d’Etat – Avis du 9 novembre 2023
On ne dissout pas un dérèglement planétaire. On n’efface pas par décret les constats scientifiques ni le refus d’un capitalisme radicalisé fonçant dans le mur. Loin des procès en « écoterrorisme », ce qui se joue autour de mouvements comme les Soulèvements de la Terre n’est rien d’autre que la bataille de ce siècle auquel nous devrions tous.tes. souscrire en nombre …
2 commentaires
Merci beaucoup pour ce coup de projecteur bien utile.