Je suis très attristé d’apprendre la disparition du célèbre artiste Guinéen Mory KANTE. La dernière période rassemble malheureusement pour la musique africaine bien de décès. C’est le cas par exemple du décès de l’incroyable Manu DIBANGO atteint du Covid-19 ou bien de celui de Johnny CLEG, le Zoulou blanc …
Mory Kanté, c’est avant tout l’Afrique …
Né en 1980 en Guinée, à Albadaria, il est un des fils d’une famille de 38 enfants. La famille KANTE est une famille de griots. Le griot, aussi appelé barde, est une personne qui officie comme communicateur traditionnel en Afrique de l’Ouest. Les griots sont des véritables mémoires vivantes dont le rôle est depuis la nuit des temps de conter en musique les épopées sans fins des familles et des peuples.
Les parents de Mory sont tous les deux griots, fonction héréditaire, et son grand-père maternel était un puissant chef de griots à la tête d’une soixantaine d’entre eux. Le destin de l’enfant est donc tout naturellement de devenir un « jali » comme l’on dénomme localement le griot.
Lors de son enfance, le jeune Mory fréquente l’école Française et il rejoint à l’âge de 7 ans sa Tante qui habite à Bamako au Mali. Elle est aussi une griot et il va poursuivre ainsi son apprentissage. Il se forge ainsi une solide expérience de chanteur et de musicien.
Dans les années 1960, la toute jeune République du Mali s’ouvre à d’autres cultures et courants musicaux. Les rues de Bamako résonnent de zumba, salsa et autres rock et pop anglo-saxon. Le jeune Mory se passionne très vite pour ces nouveaux sons. Il se met à la guitare.
Un style traditionnel qui évolue vers une certaine modernité …
C’est à partir de 1968 qu’un tournant artistique se produit chez Mory KANTE. Il cesse sa formation et rejoint ainsi plusieurs groupes occidentaux symbole de cette ouverture. Mory KANTE devient vite très connu en Afrique de l’Ouest surtout au moment ou il succède au chant à l’artiste Salif KEITA.
Il se lance alors dans l’apprentissage de la kora, un instrument de musique extraordinaire avec ses 21 cordes. Il devient un virtuose de cet instrument. Les premières notes de son titre phare proviennent d’une kora. Le son produit par cet instrument y est d’une pureté fabuleuse.
En 1978, l’année de ma naissance il est à Abidjan. La ville abrite plusieurs studios d’enregistrement. Toutes ses compositions intègrent de manière centrale la kora. Son style se complète de sons occidentaux. Il n’hésite pas à marier des instruments traditionnels avec la guitare électrique par exemple. Pour l’époque cela est inédit. Le puristes sont choqués mais qu’importe, Mory trace sa route avec son style et son audace. On le surnomme même “l’enfant terrible”.
Une carrière internationale …
Avec ce pont musical entre l’Afrique et le reste du monde Mory perce. Il est très demandé. Plusieurs enregistrements se succèdent à Paris, New York, … L’accueil est très bon, et Mory KANTE se fait très vite connaitre bien au delà de l’Afrique. Dans les années 80, la musique Africaine explose en occident. Les concerts sont nombreux et l’on commence à parler de “World Music“. En 1985, il collabore avec plaisir et engagement avec Manu DIBANGO au projet “TAM TAM” pour les Éthiopiens.
Il est surnommé par la suite le “griot électrique” car la guitare électrique figure très régulièrement dans ses compositions.
Un titre à succès …
En 1987, il lance son album ” Akwava Beach” qui va triompher dans le monde entier. Ce disque marque le triomphe de son style en particulier avec le célébrissime titre “Yéké Yéké” qui explose dans le hit parade mondial. Il a pourtant été composé dans les années 1980, mais Mory KANTE décide de l’améliorer et de l’enregistrer à nouveau. Ce sera un succès planétaire …
Qui n’a pas vibré comme moi aux premières notes de kora ? Ces dernières sont significatives de ce très bon morceau qui à fortement marqué son époque. Ce titre a été repris dans de nombreuses langues et avec tellement de déclinaison. J’avoue que la version avec Carlos SANTANA est magnifique et représente à elle seule, les ponts évidents que Mory a toujours tissés et consolidés entre l’Afrique et l’Occident.
Un artiste engagé …
Effectivement. Mory KANTE sera mobilisé pour la promotion de la culture Africaine dans son ensemble. Il œuvrera avec une certaine discrétion à la mise en place pour son pays la Guinée de plusieurs lieux culturels. Mais, il favorisera aussi sur place l’éclosion de studios permettant de valoriser la culture locale, la musique et le chant. Il militera également pour une musique africaine libre de la main-mise des labels musicaux. En 1996, l’album “Tatebola” sera auto-produit. Pour répondre à son insatiable besoin d’ouverture, l’artiste intégrera dans cet album des sons technos.
” Je ressens un énorme vide aujourd’hui avec le départ de ce baobab de la culture Africaine”
Youssou N’DOUR
Et la suite …
Pour conclure, l’on gardera de Mory KANTE une éternelle volonté de rapprocher les peuples et les cultures autour de la musique. Je retiendrai l’image d’un artiste perfectionniste ouvert à tous. Son regard de passionné perdu dans sa musique. Il a su puiser dans le creuset culturel la capacité de porter haut et fort la culture de son pays et donner l’envie à bien d’autres de poursuivre sa voie et porter ainsi haut et fort la culture musicale Africaine. La suite est là par exemple, avec la talentueuse Sona JOBARTEH, première femme joueuse professionnelle de kora. Je suis sur que Mory l’a beaucoup inspirée …
1 commentaire
je ne le savais pas