C’est un thème bien d’actualité qui était le sujet d’une conférence organisée mercredi 29 avril par l’antenne Auvergne Rhône Alpes, d’ASSIDU, l’Association des anciens élèves de l’UTBM.
Un sujet central … et des déclinaisons.
Ces temps de grave pandémie et de crise sanitaire sont particulièrement propices aux questionnements, à la remise en cause. Les organisateurs de ce moment d’échange ont eu une excellente idée de proposer cet événement qui a rassemblé une centaine d’ingénieurs connectés via l’application Zoom pour cause de confinement.
Le thème de la conférence est vraiment digne d’intérêt. Plus de 50 anciens élèves figuraient sur liste d’attente. Pour préserver la qualité de l’événement, les organisateurs avaient volontairement limités à une centaine le nombre de participants …
Cet engouement fort interpelle forcément. Les participants semblaient assez représentatifs de la population des ingénieurs avec des jeunes diplômés, des ingénieurs qui affichent plus d’années d’expériences (les vieux quoi dont je fais parti), autant des hommes que des femmes. Cette importante participation est le signe que des multiples questionnements se posent parmi la population des ingénieurs.
Notre talentueux animateur du soir a proposé trois thématiques toutes aussi intéressantes et importantes :
- La place de l’ingénieur.
- Le monde de demain.
- La transition écologique.
3 intervenants …
Ils se sont prêtés au jeu des questions dirigées et de la confrontation pour notre plus grand plaisir. Les organisateurs ont réalisé un excellent “casting” pour cette conférence thématique. Nous avons donc pu entendre s’exprimer sur les différents sujets respectivement :
Julien KAMITE : jeune ingénieur UTBM et qui s’est illustré à l’UTBM par l’organisation du mouvement “Ingénieurs Engagés UTBM“.
Alexandre MONNIN : chercheur et qui dirige le Master “Stratégie et Design par l’anthropocène“.
Pierre-Jean GALLO : Ingénieur UTBM, ancien responsable dans l’industrie chimique et actuellement entrepreneur paysan. Il est aussi Consultant (Ingénieur conseil spécialiste du changement).
Mais rentrons dans le vif des différents sujets évoqués …
La place de l’ingénieur …
En préambule, si l’on devait donner une définition du mot “ingénieur”, c’est avant tout un individu qui cherche à apporter des réponses et des solutions à des problèmes complexes.
Pour Julien, ingénieur est effectivement un titre, mais pas un métier. C’est surtout une réponse individuelle en fonction de ce que l’on veut faire. L’ingénieur doit surtout pouvoir servir la société dans son ensemble. La dimension collective est une composante fondamentale pour exercer le métier selon lui.
Alexandre s’intéresse dans ses travaux de recherche à l’anthropocène. Derrière ce nom plutôt barbare se cache la science qui analyse l’impact des pratiques humaines sur les modifications géologiques et climatiques ainsi que les effets sur nos organisations. L’anthropocène a été remise à jour avec le réchauffement climatique et ses impacts directs sur nos sociétés. Pour Alexandre, l’ingénieur à un rôle éminemment politique pour faire évoluer les organisations. C’est une sorte de candidat idéal à engager le mouvement et l’adaptation. Pour en savoir plus sur les modèles économiques associés c’est par ici.
Pierre-Jean entrevoit de son côté et par rapport à son expérience une sorte de retour en grâce de l’ingénieur dans l’entreprise. Exit les financiers qui tiennent les manettes de l’entreprise car les ingénieurs sont de retour. Le mouvement devrait s’amplifier selon lui car il faut trouver … des solutions et les ingénieurs peuvent résoudre les problèmes.
Pour tous, l’essentiel est que chacun puisse passer à l’action sur des sujets et projets qui lui tiennent à cœur. Le rôle “d’optimisateur” trop souvent confié aux ingénieurs va atténuer. L’ingénieur sera positionné dorénavant comme un inventeur.
Le monde de demain pour l’ingénieur …
Pour Julien, les chiffres du GIEC sont terrifiants. Les constats sont posés. La température va augmenter globalement entre +2°C et +5°C. Il faut passer à l’action car les risques sont bien connus ! La recherche de la résilience est un but nécessaire. La nature, son organisation doit nous aider à structurer nos sociétés et nos collectifs. L’ouvrage de Frédéric LALOUX “Reinventing organizations” est un “best-seller” qui l’inspire fortement de même que les conférences de l’auteur. Une lecture obligatoire à ceux qui sont intéressés.
Pour Alexandre dont les travaux de recherche s’organisent autour de l’adaptation, il s’interroge sur la capacité des structures, des entreprises à s’engager dans une adaptation face au réchauffement climatique. Pour lui, aucune activité n’est ou ne sera épargnée. La question de la fragilité de nos structures, de nos modèles et de nos organisations collectives est clairement posées. A titre personnel j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ceci dans un précédent billet.
La question de la résilience doit devenir centrale dans le pilotage des entreprises. Alexandre évoque la notion d’atterrissage qui vise à adapter l’entreprise à court et moyen terme à ce nouveaux enjeux. L’exemple d’Air France qui fait actuellement débat de part le soutien du gouvernement est évoqué. Pour Alexandre cette entreprise n’a plus aucun avenir dans le monde d’après. La question est de déconstruire cette entité (comme bien d’autres entreprises carbonées) avec intelligence et bienveillance : diversification, reclassement des personnels, …
Pour Pierre-Jean les structures doivent déjà se poser la question de l’intérêt d’une décision adaptative. C’est évident pour certaines entreprises et pour d’autres pas du tout …
Alors que faire pour changer les choses ? Comment agir en tant qu’ingénieur ?
Julien évoque le Shift Project et ses travaux. Les cursus et les enseignements doivent obligatoirement intégrer la question du réchauffement climatique. Les jeunes ingénieurs doivent être formés et en parfaite connaissance des enjeux. Pour Julien, la transition n’est pas une destination, mais un état d’esprit. Cette transition doit être obligatoirement portée par une vision collective dans l’entreprise et non par quelques individus isolés.
Pour Alexandre, il faut savoir renoncer et accepter en tant qu’ingénieur à ne pas s’impliquer dans le développement d’objets inutiles. Le choix d’un employeur doit être aussi apprécié afin d’être en accord avec ses opinions et sa volonté d’agir de manière responsable. L’on peut par exemple bannir de travailler pour le secteur de l’armement. Alexandre attire aussi l’attention de tous sur le vide stratégique de certaines organisation. Il faut pouvoir vérifier les bonnes ou les mauvaises intention des dirigeants d’entreprises sur ces thématiques. Alexandre qui rencontre de part ses travaux de nombreux dirigeants de grandes entreprises indique que certains n’assument pas forcément en public des positionnements pourtant vertueux … Il y a le “on” et le “off” mais les idées progressent …
Pour conclure …
J’ai particulièrement apprécié cette conférence. Je ne pense pas être le seul. Je tiens à remercier ici sincèrement les organisateurs de cet événement ainsi que les différents intervenants. L’enjeu est de taille. Les questions sont nombreuses. Les organisateurs pensent organiser prochainement d’autres événements en lien avec ce thème. J’ai vraiment ressenti dans la communauté responsable des ingénieurs de mon école des questions nombreuses. Nous sommes conscient d’être arrivé collectivement au bout d’un système ou d’un cycle. Il faudra inventer la suite différemment. La volonté de bien faire est là ce qui est particulièrement rassurant.
Pour voir le replay … et les ressources associées …
Guide de ressources vers des emplois engagés.
Groupe Facebook des anciens de l’UTBM qui se posent des questions …
Simon Sinek
https://fr.wikipedia.org/wiki/Simon_Sinek
Alternative emploi
https://docs.google.com/document/d/14blw6iFGjrHu3uJ9XnqOHGItm2DCLN0cBC92rpasADo
https://printemps-ecologique.fr
Documentaire arte innovation au sein de l’organisation
https://boutique.arte.tv/detail/bonheur_travail
“L’effondrement” court métrage de Parasites sur canal+
https://www.youtube.com/channel/UCqS1gDNHEX3FgJ8dPfSuRoQ
Economie du savoir
https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89conomie_du_savoir
Ecologie conception web et sobriété numérique
https://www.greenit.fr/
https://collectif.greenit.fr/
https://ecoinfo.cnrs.fr/
D’autres ressources partagées, en vrac:
- L’intrapreneuriat ESS au sein de son entreprise: Le réseau FEVE
- Les formations de l’ADEME sur les bilans GES
- Les livres de Pablo Servigne
- Le GDS du CNRS (Alexandre en fait partie)
6 commentaires
Y a t il un replay de cette conférence quelque part SVP ? Merci,
Bonjour Nicolas ! Merci de votre intérêt. Oui la conférence a été enregistrée. Dès que j’aurai le lien je vous l’indiquerait ici. Bonne continuation.
Merci ! Super !
Bonjour Nicolas. Replay et lien ressources en ligne. Merci les orgnisateurs ! N’hésitez pas à faire tourner ! A bientôt, bonne lecture.
C’est rassurant que la profession des ingénieurs se mobilise pour la transition écologique. La volonté de transition est là, mais il faut de vraies solutions pour aider la société à franchir le pas. Que les idées débattues ici essaiment dans les entreprises et à tous les échelons de la société. Merci à vous tous
Pour avoir eu l’occasion d’assister à plusieurs conférences ou “tables rondes” sur le sujet, j’ai l’impression qu’une telle radicalité et tangibilité dans les discours et franchement rare.
Chaque fois la question me semblais subordonnée à la question de l’employabilité individuelle. Là même en omettant le “droit de réserve” qui a fait débat, on évoque la notion d’atterrissage de Bruno Latour. Et, de façon bien comprise a priori. Bien que dans ce cadre, il y ait toujours le risque d’édulcorer ou détourner les discours comme avec la notion de résilience qui devient le prétexte à l’acceptation dela situation écologique plus qu’à la prise du problème à bras le corps.