C’est en farfouillant ici et là que je suis tombé sur l’excellent magazine SocialTer. Socialter est un magazine publié deux fois par trimestre dont les thèmes de prédilection sont l’écologie, l’environnement, la démocratie ainsi que l’économie sociale et solidaire. Avant de devenir un magazine, Socialter était un blog. Cette publication se propose de donner la parole à celles et ceux qui sont acteurs du changement et qui contribuent à créer une économie plus juste et surtout plus durable. Socialter se focalise sous forme de dossiers rassemblés en « hors-série » particulièrement qualificatifs. J’ai donc découvert cette publication à travers le hors-série « Ces terres qui se défendent » objet de ce billet.
Ces terres qui se défendent …
Partout dans le monde, la mobilisation pour la préservation s’amplifie. La prise de conscience de plus en plus marqué dans l’opinion des effets du réchauffement climatique doit sûrement y être pour quelque chose. Il est vrai que partout les attaques contre la nature, l’environnement sont de plus en plus légion.
Ces attaques, ces exactions et les projets les plus fou sont la plupart du temps portés par des multinationales. Dotées de moyens colossaux, ces entreprises usent et abusent d’artifices et de communication pour verdir leurs projets et nous faire croire que le respect de l’environnement est intégré dans leurs stratégies. Ne soyons pas dupe, le « greenwashing » est devenu légion. Le capitalisme de l’exagération se fait sur dos de l’environnement, des écosystèmes et sur celui du vivant dont nous faisons parti.
Mais quasi-systématiquement, la maitrise de la terre, la possession du foncier est bien souvent un point de départ obligé pour ces porteurs de projets fou. Bâtir des usines polluantes, implanter des milliers de mètres carrées de bâtiments logistiques, construire des écoquartiers (qui n’ont d’éco que le nom), implanter des fermes solaires en rase campagne, tracer des routes et des autoroutes inutiles, … pour tout ceci il faut de la terre.

Alors ces entreprises n’hésitent nullement a utiliser tous les moyens à leur disposition, qu’ils soient légaux ou pas. On chasse les habitants installés ici et là depuis de génération. Dans certains pays ont va jusqu’à spoiler les propriétaires pour récupérer leurs terres. En France, on profite de la détresse économique du monde paysan pour racheter à petit prix des vastes surfaces boisées et agricoles. Dans les villes, ce sont les établissements publiques qui rackettent pour le compte des promoteurs bétonneurs privés des terrains dans d’incroyables mélanges des genres et d’intérêts …
Il y a quelques décennies, en France des combats particulièrement populaires nous inspirent toujours : je pense aux luttes du Plateau du Larzac ou celle de Plogoff contre l’installation d’une centrale nucléaire sur certainement un des plus bel endroit de la côte Bretonne.
Mais aujourd’hui, la lutte est partout. Pas une commune de France n’échappe à l’implantation de projet écocides. Saint-Soline est ces projets fous de méga-bassine, future autoroute A69 inutile entre Castres et Toulouse, Jardins populaire des Vaites à Besançon que la ville de Besançon veut détruire pour bâtir un nouveau quartier, … Les exemples ne manquant malheureusement pas. N’oublions jamais que ces projets inutiles, mal pensés imputent de manière définitive des terres nourricières, fertiles et vivantes ! Notre société est t’elle condamnée à vivre dans le béton, avec une nature domestiquée en regardant sur nos écrans comment la nature était belle avant tout ceci ? La nature absente nous conduirait à perdre l’émerveillement, la poésie et le simple besoin de rêver un peu en son sein. Triste destinée …
Et bien non. Nous ne voulons pas de ce monde là. Nous avons le désir de sauver le vivant. Nous voulons développer d’autres alternatives de société ou l’homme trouverait sa place, dans le respect de son environnement et de lui même. Nous avons ce devoir de nous battre, pour nous mêmes mais aussi pour celles et ceux qui arriveront ensuite.
La science documente les effets désastreux du développement tout azimut sur l’environnement. Nous ne pouvons nier. Impossible de réfuter les effets bien visible du réchauffement climatique, la disparition progressive des oiseaux, des insectes. Avez-vous remarqué comme votre pare-brise est vide d’insecte après avoir roulé ? Il y a 10 ans, c’était bien différent … Ou sont passés les insectes ? Derrières les études scientifiques qui peuvent nous paraitre un peu abstraites se cache pourtant une triste réalité qui nous touche tous bien concrètement.
Cet excellent hors-série de Socialter nous propose un éclairage stratégique de cette reprise des terres en 3 actes. L’emprise, la reprise et la déprise. Un dossier constitué de nombreux articles parfaitement documentés sous forme d’analyses détaillées, d’exemples très concrets, d’outils ainsi que d’éléments méthodologiques. Plusieurs articles invitent le lecteur à se projeter au delà du constat dans une logique d’accompagnement à l’action. L’urgence est là et il est impératif de passer à l’action. Cet ouvrage est un excellent outil support à la mobilisation.
L’emprise …
Directement issu de notre histoire et des modèles de développement organisés et promus à la sortie de la guerre, notre pays la France oriente et encourage la consommation d’espace d’une manière débridée. La modernisation agricole voulue il y a plusieurs décennies à contribué à remembrer, détruire des milliers de kilomètres de haies, augmenter la taille des exploitations agricoles. La logique de « fermes-usines » s’est imposée avec le soutien de l’Europe et de sa politique agricole commune, d’une élite politique aux ordres de l’agrobusiness et d’un syndicat majoritaire borné appartenant « au vieux monde » …
Le développement urbain excessif dans une société guidée par le « tout voiture » a contribué à l’artificialisation d’importantes surfaces et à la création de zones périurbaines très étendues.
Il en résulte une pression importante sur le sauvage, sur le vivant qui se retrouve détruit ou cantonné à quelques zones sanctuarisées face à une logique d’industrialisation et de simplification des territoires. Ces derniers perdent ainsi petit à petit leurs beautés et spécificités.
La question foncière est toujours la plus importante. Elle a guidé notre histoire la plus sombre : du colonialisme à l’expansion du capitaliste, c’est toujours la même histoire. Rien ne semble avoir changé. Les accros au béton et à l’agriculture productiviste n’en n’ont jamais assez.
Un coup d’œil dans le rétroviseur de l’histoire nous indique qu’en France cela fait plus d’un siècle que les luttes se focalisent sur le foncier : des prémices du remembrement au forceps en 1950, les luttes du Larzac entre 1971 et 1981, Notre-Dame-des-Landes en 1973, la lutte pour la préservation de Vaites depuis 2005, le quartier libre des Lentillères en 2010 mais aussi bien d’autres comme Saclay, Aubervilliers, la ZAP de Pertuis, …
Mais l’emprise est aussi humaine et technologique. Le métier d’agriculteur est encore plus menacé par la « tech » … Avec ces technologies « vertes » une nouvelle extinction est en marche : l’élimination progressive du travail du paysan et son rapport à la terre. Assis derrière son bureau, il va pouvoir contrôler à distance, piloter, épandre, récolter, … Il deviendra un simple exécutant perdant ainsi ses compétences, connaissances, … dans une banalisation mortifère. L’étape d’après c’est le salariat par un grand groupe et la fin de l’entreprenariat et de la maitrise de sa destinée.
En effet, la dépendance auprès de ces nouvelles entreprises sera bien trop forte pour celui ou celle qui voudra s’extraire de ce système.
Reprise …
Comment se ré-inventer ? Comment (re)construire sur les ruines du capitalisme ? La géographe Flaminia PADDEU a parcouru le monde à la rencontre de militants, de citadins et d’ouvriers qui cultivent sur les ruines du capitalisme urbain.
Cette passionnante enquête décrypte ce qui se cache également derrière l’obligation alimentaire qui est souvent la première cause de mise en place de ces cultures : désir de mieux manger, mais également désir de répondre au besoin d’un retour à la nature que la ville a contribué à occulter.
Au delà, la reprise des terres doit s’organiser, se planifier et cet hors-série éclaire sur des tactiques de stratégie foncière. Le collectif « Reprise des Terres » partage ici sa longue expérience en terme de réflexions et d’actions. Ce retour d’expériences est un puissant levier pour aller beaucoup plus loin et systématiser les démarches de reprise.
Impossible de ne pas citer également les différents collectifs qui peuvent rendre possible l’accès au foncier agricole à des candidats paysans. Pour un nouvel arrivant dans la paysannerie, trouver des terres propices à une installation est souvent mission impossible. Terre de Liens en jouant sur un actionnariat solidaire de plus de 18 000 personnes tente de créer des brèches dans cette forteresse agricole qu’est la maitrise du foncier. Mais il y a encore tellement à faire lorsque l’on sait qu’en France, c’est une centaine de fermes qui disparaissent chaque semaine.

D’autres comme « Forêts en vie » se focalisent sur les terres forestières qui n’échappent pas à l’accaparement. La « Foncière antidote » accompagne des lieux collectifs autogérés en brisant les codes de la propriété privée dans une logique d’intérêt général.
Le foncier communale est organisé, catégorisé dans des plans d’occupation des sols (POS), dans des plans locaux d’urbanisme (PLU). Ces documents dits « d’orientation » conduisent le développement de nos villes et de nos villages. Ils sont des outils puissants qui gouvernent nos territoires. Mais les zonages conduisent bien trop souvent à des aberrations. Dans une logique qui peut être administrative telle ou telle zone sera classée « à urbaniser », « naturelle », … De manière caricaturale, la logique est de faire rentrer dans des cases, des secteurs.
A Dijon, le collectif du Quartier des Lentillères envisage d’autres pistes pour entremêler les usages. La Zone d’Ecologie Communale (ZEC) innovante pourrait changer le visage de nos villes et villages.
Déprise …
Comment repenser la conservation ? Comment aller vers plus de protection ? La part du sauvage est aujourd’hui cantonnée en France à des zones bien définies souvent sous cloche et qui servent de plus en plus au divertissement. La poids de la conservation est souvent porté par les habitants des zones rurales et les classes inférieures. Pourquoi ne pas également faire reposer ceci sur les grands propriétaires fonciers qui disposent d’un capital foncier exagérément constitué par le capitalisme ?
La déprise c’est aussi simplement par un peu de changement dans le vocabulaire et l’image des mots que l’on peut commencer. Derrière la connotation malsaine de « la friche » se cache pourtant et souvent des richesses naturelles insoupçonnées ! Derrière les friches, c’est l’espoir qui s’offre à nous. Quid du terme « sauvage » , un terme colonial qui évoque pourtant un imaginaire fait d’une nature préservée et harmonieuse ?
La déprise, c’est également la mise en place de pratiques agricoles bien différentes de celles imposées de l’agro-industrie. C’est la préservation par les agriculteurs de la biodiversité par des techniques et des usages agricoles respectueux du vivant. Des exemples inspirants sont nombreux en France et doivent être encouragés, dupliqués et soutenus autant par les consommateur que par les décideurs politiques.
Les pouvoirs publics doivent s’engager dans des stratégies visant à ré-ensauvager nos territoires. L’urgence est là. Ces actions doivent pouvoir s’organiser sans que ce soit sur le dos des paysans et des usagers. L’exemple frappant est la disparition des linéaires de haies évalué à 750 000 kilomètres en France depuis les années 1950. Un consensus peut être trouvé avec les parties prenantes sur l’intérêt de ces haies pour les usagers et la biodiversité ! Il faut amplifier les plantations en se basant sur les expertises des territoires déjà bien investis dans ces démarches vertueuses.
Pour conclure …
Vous n’imaginez pas le plaisir que j’ai eu à lire ce hors-série de Socialter. Pour ma part cet ouvrage est une sorte de référence en la matière. Il a su éveiller ma curiosité. Ses apports contribuent directement à construire ma réflexion, mes actions, … Les constats de l’état de notre planète et de notre environnement résultant directement d’un capitalisme débridé peuvent nous faire tendre vers une malsaine fatalité ce hors-série reste pragmatique et nous prouve qu’avec méthodes et organisations collectives, il est encore possible d’imaginer et de mettre en place d’autres modèles respectueux des hommes et de notre environnement. Soyons à l’écoute de ces terres qui se défendent et qui doivent nous inspirer pour d’autre luttes pour le vivant. Retroussons nous les manches, rassemblons nous collectivement pour passer à l’action ! Cet ouvrage sera un précieux guide pour bien faire !
4 commentaires
Ces Terres qui se défendent. Quel beau résumé qui est bien d’actualité de nos jours. On pense à nos anciens qui avaient l’amour de la terre et le respect de la nature. Ils vivaient chaque jour dans la contemplation à écouter le chant des oiseaux et respirer le parfum des fleurs sauvages. Mais de nos jours on construit là on respirait la nature. Hélas !!! C’est bien triste. Mais gardons ESPOIR que l’homme prendra rapidement conscience de cette réalité.
La situation est très bien résumée ! Merci beaucoup pour ce commentaire !