Homme ouvert, doté d’un sens aigu du dialogue et surtout d’une capacité énorme à pouvoir vite apprendre, Charles PIAGET se politise par la dure réalité de l’usine : celle de la condition des ouvrier.e.s, des émigré.e.s qui triment dans les ateliers de l’horloger LIP. Lui qui deviendra chef d’atelier est révolté de voir tout ceci. Un ouvrage récemment écrit par l’historien Théo ROUMIER « Charles PIAGET – de LIP aux « milliers de collectifs » publié chez Libertalia lui rend hommage et retrace les grandes lignes d’un parcours si particulier.
Qui est Charles PIAGET ?
Il parlait bien, il avait le langage qu’il fallait et le voila propulsé syndicaliste pour la CFTC (qui deviendra en 1964 CFDT). A lui la lourde charge de discuter avec la direction de l’entreprise LIP, son employeur. Il est particulièrement attentif aux conflits et en particuliers à une grève en 1972 au préventorium de Bregille à Besançon.
L’établissement qui accueil des enfants tuberculeux est menacé de fermeture. Il découvre que les femmes qui y travaillent avaient organisées d’étonnantes assemblées générales qui sont ouvertes à toustes et pas uniquement qu’aux salarié.e.s.
Il en tire des leçons qui feront évoluer son militantisme et ses pratiques et qui serviront pour la suite des combats auxquels il sera confronté.
Le combat des LIP ….
Mais les prémisses de la crise horlogère qui frappent le bassin industriel de Besançon en 1973 éprouve la grosse entreprise LIP ou PIAGET est en poste. La direction souhaite licencier un grand nombre de salarié.e.s.
Impossible pour PIAGET de se résigner à ces annonces car il pense immédiatement aux conséquences et à l’injustice que représentent les décisions de la direction de LIP. La lutte s’engage, la grève est votée ! Cette lutte ne sera pas que locale, puisque la lutte des LIP aura un retentissement national voir international. Rarement une lutte ouvrière aura dans l’histoire réussie à atteindre une telle popularité !
Il deviendra, un peu malgré lui, une figure de la grève des LIP en 1973 sous la bannière de la CFDT. Les grévistes avaient fait le choix original de la relance de la production dans l’usine occupée. Des manifestations sont organisées sur Besançon avec la venue de plus de 100 000 personnes en soutien aux LIP. L’apogée de cette période étant la grande marche du 29 septembre 1973 qui rassemblera un cortège jamais vu par sa taille jusqu’ici. LIP est un symbole de la désindustrialisation qui frappe la France dans les années 70.
Ecouter, rassembler, construire …
Charles PIAGET a réussi à jeter des ponts et à construire des liens avec diverses organisations autant des syndicats que différentes composantes partisanes de la gauche. C’est cette union qui a permis la victoire de 1973 et la préservation des postes de travail chez LIP.
« On fabrique, on vend, on se paye »
Il a été également un artisan de la jonction entre les étudiants et les ouvriers par son ouverture d’esprit dans une logique « d’ouvrir les portes » pour éviter la sclérose. Une étonnante organisation de l’entreprise sous forme d’autogestion puis d’une société coopérative permet de maintenir l’activité et les emplois quelques années. PIAGET est convaincu que l’autogestion est la solution au partage juste de la valeur réalisée et à l’émancipation des ouvrier.e.s.
Charles PIAGET, candidat à l’élection présidentielle ?
En 1974 Charles PIAGET sera un temps pressenti comme candidat à l’élection Présidentielle. La gauche est tentée de promouvoir cet homme devenu connu dans l’opinion publique et particulièrement chez les ouvrier.e.s.
Les discussions vont bon train, mais son organisation syndicale si oppose. Finalement, il ne sera pas présentée. Il avait pourtant tenté d’imprimer sa volonté de bâtir un collectif autour de sa candidature et évoquant tel un précurseur, les combats à venir dont certains résonnent toujours aujourd’hui : la situation des immigré.e.s, la cause des femmes, l’écologie, …
Il imaginait déjà à l’époque la campagne électorale comme une caisse de résonance des luttes dans une logique de convergence vers la victoire !
Les qualités de Charles PIAGET …
Charles PIAGET est un homme qui a su prendre beaucoup de recul dans son parcours, en évitant les querelles de chapelle qui nuisent tant à la popularisation des luttes. Extrêmement lucide sur la situation des travailleurs du monde et sur les exagérations mortifères du capitalisme débridé, Charles PIAGET esquisse jusqu’au bout de sa vie les pistes d’un mouvement « ouvert » révolutionnaire et démocratique qu’il appelle de ses vœux les plus chers.
Charles PIAGET a toujours été une figure des mobilisations : il ne manquait jamais la manifestation du Premier Mai dans la capitale Bisontine.
Poursuivre l’héritage de Charles PIAGET …
Un parcours qui force le respect, tenté d’une si grande modestie, d’une sincérité sans faille, d’une grande intégrité et d’une énergie débordante qu’il continuera à mettre jusqu’au bout de sa vie dans des combats pour une société plus juste et solidaire comme ce fût le cas à travers son implication forte à l’antenne Bisontine d’Agir Ensemble contre le chômage ou il était considéré comme un véritable pilier.
Charles PIAGET nous alerte sur l’impérieuse nécessitée pour la gauche, d’être particulièrement attentive à ce qui se passe dans le monde du travail et dans la société. Aucun succès, aucune avancée ne pourra se faire sans cette vigilance.
L’on ne changera pas le monde par le haut, mais bien par les actions du bas, engagées par la base. Charles PIAGET évoque à la fin de se vie l’importance de créer des « milliers de collectifs » porteurs du monde que nous voulons. Quel bel héritage qu’il nous lège. Un héritage que nous, citoyen.e.s pouvons nous emparer !
Le plus bel hommage que nous pouvons rendre à Charles PIAGET est bien de nous impliquer et de poursuivre ses combats !