Publié à titre posthume, le recueil La rose détachée et autres poèmes rassemble les ultimes écrits de Pablo NERUDA, offerts comme un testament poétique. Cet ensemble hétérogène, mais d’une remarquable cohérence sensible, dévoile un NERUDA plus intime, méditatif, curieux de l’infime comme de l’universel. L’ouvrage compile plusieurs recueils composés à la fin de sa vie – notamment Jardin d’hiver, Le Cœur jaune, La Mer et les Cloches – et culmine avec un objet littéraire singulier et fascinant : Le Livre des questions. Ce dernier mérite une attention toute particulière, tant il condense la puissance évocatrice, ludique et philosophique de NERUDA dans une forme tellement inédite.
Loin des grandes odes politiques ou des chants épiques du Chant général, La rose détachée est un recueil tourné vers l’essentiel. L’essentiel du monde, de la vie, des sensations, du passage du temps. NERUDA, désormais retiré sur l’Île Noire, semble écrire à l’écoute du vent, du ressac et de la mémoire. Dans Jardin d’hiver, il évoque le vieillissement non comme une fin, mais comme un lent déploiement vers la paix intérieure. Dans Le Cœur jaune, il joue avec ses propres imperfections, les « défauts choisis » qu’il revendique comme une forme d’authenticité humaine. La mer, les cloches, les oiseaux, la nuit, les parfums : tout devient matière poétique, dans une langue plus épurée, souvent mélancolique mais jamais figée.
Sans doute le plus étonnant de ses livres posthumes, Le Livre des questions (El libro de las preguntas) est un projet inclassable. Composé de 74 suites de 3 à 5 questions chacune, ce livre ne répond à rien, mais interroge tout. NERUDA y adopte une posture rare : celle du poète qui ne sait pas, ou qui choisit de ne pas savoir. Ce n’est pas un chant, ni une élégie, ni un réquisitoire : c’est une suite de questions ouvertes, presque enfantines, mais d’une puissance métaphysique parfois vertigineuse.
« Où vont les choses qu’on oublie ? »
« Pourquoi les arbres cachent-ils la splendeur de leurs racines ? »
« Est-il vrai que la tristesse est plus profonde que la mer ? »
Ces vers, à la fois simples et insondables, désarçonnent. NERUDA ne cherche pas à comprendre le monde à travers une théorie : il cherche à le ressentir à travers l’étonnement. C’est un NERUDA enfant, savant, amoureux, peintre de mystères qui s’exprime ici.
Les questions de NERUDA ne relèvent pas uniquement de l’absurde ou de l’onirisme. Elles empruntent à plusieurs registres : celui de la philosophie naïve (au sens le plus noble), celui du surréalisme ludique, et celui d’une poétique du monde où la matière, les animaux, les astres, les sentiments, coexistent dans un même souffle.
Par exemple :
« Les larmes qu’on ne pleure pas attendent-elles dans un petit lac ? »
ou encore :
« Pourquoi les horloges mentent-elles au lieu de chanter ? »
Ces vers ne sont ni anecdotiques ni purement décoratifs. Ils interrogent notre rapport au langage, au silence, à l’intuition, au corps et au rêve. Ils nous ramènent à une posture d’émerveillement, d’écoute du réel, que l’adulte a souvent désapprise. Fabuleux vous ne trouvez-pas ?
Contrairement aux questions rhétoriques classiques, celles de NERUDA ne cherchent pas de réponse. Leur fonction est poétique, et non argumentative. Elles suscitent une disponibilité de l’esprit, une forme de méditation douce. Chaque question devient une fenêtre ouverte sur un paysage intérieur. Comme cela interroge …
Dans une époque marquée par la technicité, la certitude, la rapidité, NERUDA ralentit. Il suspend le monde dans un état d’interrogation. Il offre au lecteur la liberté rare de ne pas comprendre, de simplement ressentir. Et cela devient un acte politique, presque spirituel.
Les éditions bilingues du Livre des questions, notamment illustrées par Isidro FERRER, donnent à voir la richesse de cet univers en noir et blanc, en silences et en formes. Chaque page peut se lire seule, comme un haïku inversé, ou se découvrir en suite, comme une marche dans un jardin de symboles.
L’ouvrage est souvent conseillé à la jeunesse, mais il s’adresse à tous les âges. Il peut toucher un enfant curieux, un adulte en quête de légèreté, ou un lecteur exigeant séduit par l’intelligence sensible du questionnement poétique.
La rose détachée et autres poèmes est une œuvre-testament dans laquelle Pablo NERUDA déploie ses derniers élans poétiques avec justesse, tendresse et profondeur. Dans ce recueil posthume, le Livre des questions occupe une place à part : celle d’un miroir trouble et lumineux tendu à notre condition humaine. Il rappelle que le doute, la curiosité et l’inquiétude sont des formes nobles de connaissance. Et que parfois, les plus belles vérités naissent de nos questions les plus simples. Il m’a littéralement bouleversé.
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